mardi 5 octobre 2010

Pour être heureux, faut-il couper les ponts entre travail et vie personnelle?

Êtes-vous du type qui dit ne jamais ramener les problèmes du travail à la maison, et vice-versa? Ou avez-vous plutôt tendance à vérifier vos courriels du boulot avant d'aller vous coucher? Des chercheurs américains se sont penchés sur la question, à savoir qui, de ceux qui sont toujours connectés au travail 24h/24, 7 jours/7 ou ceux qui "décrochent" facilement du boulot, vivra plus de bien-être, de santé et aura une meilleure performance au travail.

Le fait d'être capable de "décrocher" se nomme scientifiquement le détachement psychologique. C'est le fait de ne pas être impliqué dans des activités (ex: courriels, travail rapporté à la maison) ou des sentiments (ex: stress pour la présentation du lendemain, insécurité face à la réussite d'un projet) reliées au travail en dehors de nos heures de travail. Le détachement psychologique décrit donc un phénomène qui rejoint nos différents rôles, dans nos différentes sphères de vie. Je suis à la fois une employée, une mère, une fille, une amie, une épouse, une bénévole, etc. Dans chaque sphère de vie (travail, famille, vie amoureuse, loisirs, etc.), j'occupe des rôles différents.

Les gens qui font une coupure claire entre leurs différentes sphères de vie utilisent une stratégie appelée la segmentation. Lorsqu'on utilise la segmentation, les frontières et les limites de nos sphères de vie sont très claires, et il devient difficile de ramener du travail à la maison, par exemple. À l'inverse, quelqu'un qui utilise la segmentation ne parlera pas de ses problèmes personnels au bureau. Le travail, c'est le travail, et la maison c'est la maison.

À l'opposé, les gens utilisant la stratégie de l'intégration passent d'un rôle à l'autre plus facilement, de façon plus fluide. On peut ramener du travail à la maison par moments, mais on peut en même temps prendre soin de son petit qui est malade. Nos amis du bureau sont les amis avec qui on fait des activités sociales.

Pour vérifier quelle est la stratégie la plus efficace, les chercheurs ont interrogé du personnel administratif travaillant dans différentes institutions d'enseignement aux États-Unis. Ils ont demandé aux gens de s'évaluer eux-mêmes, mais également de demander à des amis de les évaluer à travers différents questionnaires.

Qui est plus heureux? Qui est plus performant?
Indépendamment de la tendance personnelle à chacun à avoir la vie de façon plus ou moins négative et de la charge de travail des gens interrogés, de leur âge, de leur sexe ou du degré d'autonomie de leur emploi, les gens capables de plus de détachement psychologique à l'égard de leur travail étaient perçus par leurs proches comme étant plus heureux, ayant une plus grande satisfaction face à leur vie et présentant moins de symptômes de burnout.

En regard de leur performance, la situation semble plus complexe. Ici, ce sont les employés moyennement détachés envers leur travail qui sont les plus performants, alors que les gens très fortement ou très peu détachés de leur travail sont perçus comme moins performants par leurs collègues. Cela semble logique: "trop, c'est comme pas assez"! Être constamment connecté au travail ne permet pas de recharger ses batteries dans d'autres sphères de vie. À long terme, on s'épuise, particulièrement quand les choses ne tournent pas rond au travail, et qu'on est constamment branché sur les problèmes de bureau. L'être humain a besoin de repos pour être à son plein potentiel. À donner constamment son 110%, on tombe rapidement en déficit. À l'opposé, une coupure marquée et non négociable entre travail et vie personnelle nuit à notre performance, car à chaque jour, il faut constamment se réapproprier son travail et ses dossiers, pour "se remettre dedans".

Donc en matière de détachement psychologique, le juste milieu semble être une option à la fois efficace et plaisante pour gérer nos différentes sphères de vie. Comment pouvez-vous tendre vers ce juste milieu, sans être trop rigide ni trop flexible?

Référence:
Fritz, C., Yankelevich, M., Zarubin, A., & Barger, P. (2010). Happy, healthy, and productive: The role of detachment from work during nonwork time. Journal of Applied Psychology, 95(5), 977-983.

4 commentaires:

mutuelle a dit…

Il faut savoir s'organiser, c'est la clé ! Merci au blogueur !

Pierre D. a dit…

Oh que cet article tombe à point pour les gens de ma génération...

Sophonie Plesimond a dit…

Hum, la théorie du juste milieu ? Ça fait du sens. Mais justement, comment on le trouve ce juste milieu ? Et ledit juste milieu doit -il être statique dans le temps ou peut-il évoluer au cour du temps ?

Véronique Dagenais-Desmarais, Ph.D. a dit…

Oui, je crois que le "juste milieu" est subjectif, donc se définit et évolue à travers le temps et les stades de vie... Une jeune mère de famille ne vit pas les mêmes enjeux qu'un semi-retraité. Et cette coupure se fait sans doute mieux à différents stades de carrières, également...