Le développement durable de notre bien-être: mission possible? (Partie 1)

Les études sur le sujet sont nombreuses: les gens heureux sont avantagés. Ils ont plus de chance d'être mariés, moins de chance d'être divorcés, reçoivent plus de soutien de leur entourage, ont plus d'amis, plus d'énergie. Ils ont même un meilleur système immunitaire et vivent plus longtemps que les gens malheureux! Au travail, ils vivent également plus de succès: ils ont plus de créativité, produisent un travail de plus grande qualité, sont plus coopératifs et... gagnent un plus gros salaire!

Étant donné tous les "avantages" d'être heureux, il semble tout naturel de chercher à améliorer notre sort, non? Si je vous proposais d'améliorer votre bien-être psychologique gratuitement, sans aucune close cachée, que répondriez-vous ? La plupart des gens me répondent "oui": ils voudraient améliorer leur bien-être psychologique.

Mais... est-ce possible d'améliorer notre niveau de bien-être psychologique?
Fidèle à elle-même, la réponse de la science à cet effet est nuancée... Sonjia Lyubomirsky, une célèbre chercheuse , a identifié des arguments qui soutiennent que oui, c'est possible... de même que d'autres qui sont moins optimistes... Dans ce billet, je vous présenterai le côté pessimiste de la médaille.


Argument 1: Notre seuil de bien-être psychologique
Plusieurs arguments nous amènent à penser que chacun d'entre nous disposons d'un certain "seuil de bien-être psychologique" déterminé génétiquement... et bien que les événements du quotidien puissent affecteur notre humeur sur le coup, nous tendons naturellement à revenir à notre seuil pré-établi...

Des études menées auprès de jumeaux identiques ont identifié qu'environ 50% de notre bonheur s'explique par nos prédispositions génétiques. Pour ainsi dire, certains auraient un bagage génétique gagnant et d'autres... moins. On sait par exemple qu'il existe un gène de la dépression... Les individus qui l'ont sont plus à risque de vivre un épisode dépressif.

Argument 2: Notre personnalité est stable 
Également, les individus présentant certains traits de personnalité sont de meilleurs candidats au bien-être. De façon générale, les gens plus extravertis et plus stables au plan émotionnel vivent plus de bien-être. Et... la personnalité est relativement stable dans le temps... Donc encore ici, il semble qu'il y ait une "personnalité heureuse" et... tant mieux pour ceux qui l'ont...

Argument 3: L'adaptation hédonique
Enfin, au-delà de nos gènes et de notre personnalité, il existe un phénomène qu'on appelle l'adaptation hédonique: on s'habitue à ce qu'on vit, au meilleur comme au pire. Et ce phénomène a contribué à la survie de l'espèce humaine: imaginez les survivants du séisme au Japon, les gens vivant sous le seuil de la pauvreté, les populations vivant sous des dictactures ou encore les petits investisseurs qui ont perdu des milliers de dollars suite à la crise économique: ces gens ont vécu des émotions négatives pendant une longue période, et dans certains cas, quotidiennement. La nature étant bien faite, grâce au phénomène de l'adaptation hédonique, malgré le fait que sur le coup, on peut vivre un petit (ou grand) creux, on finit par s'y faire et rétablir l'équilibre à notre "seuil" naturel... C'est ce qui fait que des gens devenu paraplégiques suite à de tragiques accidents ont retrouvé leur niveau de bien-être "pré-accident" plusieurs mois après celui-ci.

À l'opposé, l'adaptation hédonique nuirait à l'amélioration de notre bien-être: après tout, malgré tous nos efforts, reviendrons-nous à notre "seuil prédéterminé de bien-être"? C'est ainsi que des gagnants à la loterie ne se disent pas plus heureux plusieurs mois après leurs gains comparativement à avant... Ils se sont adaptés. C'est également ce qui fait que le mariage nous rend plus heureux... pendant les trois premières années de l'union... Ensuite, les amoureux reviennent à leur niveau de bonheur prénuptial... À plus petite échelle, c'est le même phénomène qui fait que votre nouvelle télé écran plat HD 42 pouces qui vous emballait il y a de cela 6 mois ne vous fait plus ni chaud ni froid. Si vous souhaitez retrouver le même niveau émotionnel d'emballement, de joie, et d'extase, vous vous surprendrez peut-être à lorgner les nouvelles télés 3D 60 pouces... Autrement dit, pour vivre plus de bien-être, vous aurez besoin d'une plus grosse source de stimulation. Mais cette stratégie vous serait préjudiciable: votre portefeuille en souffrirait et éventuellement, vous atteindriez plus ou moins rapidement un point où vous ne pourriez plus vous payez plus de bien-être...

Donc est-ce peine perdue???
Malgré ce portrait sombre, il n'est pas impossible d'améliorer notre niveau de bien-être psychologique! En effet, ce n'est pas parce qu'on n'a des gènes moins favorables que ceux-ci vont se manifester. Faisons le parallèle avec les problèmes de santé physique: si j'ai des prédispositions génétiques à souffrir de diabète, je peux éviter de développer la maladie si je mange bien, si je fais de l'exercice et si j'ai un suivi médical régulier... De la même façon, avoir "les mauvais gènes" n'est qu'un facteur de risque, qui peut être contrecarré par des facteurs de protection. De la même façon, l'adaptation hédonique peut, dans une certaine mesure, être déjouée en variant nos stratégies pour améliorer le bien-être psychologique. Nous aurons l'occasion d'y revenir...

Qu'en pensez-vous? Est-ce possible d'améliorer de manière durable notre bien-être psychologique? La prochaine fois, je vous présente le côté plus optimiste de la médaille, selon Sonja Lyubomirsky et ses collègues.

Vous voulez en savoir plus? Lisez ceci:
Lyubomirsky, S., Sheldon, K. M., & Schkade, D. (2005). Pursuing Happiness: The Architecture of Sustainable Change. Review of General Psychology, 9(2), 111-131.
Lyubomirsky, S. (2008). The How of Happiness. Penguin Press.